Luigi
est professeur agrégé à l'université de Toronto au département
d'études de deuxième cycle en orthophonie. Il coordonne toutes les
admissions et tous les prix remis aux étudiants de deuxième cycle.
Outre sa recherche, il enseigne deux cours de d'apprentissage du
langage pour les enfants.
Elaine est directrice exécutive du centre Hanen, un
organisme de bienfaisance qui aide les jeunes enfants ayant des
retards de langage – et les enfants à risque – à communiquer du
mieux qu'ils le peuvent. Le centre Hanen élabore des programmes
pratiques et à la fine pointe de la technologie, des ressources
conviviales pour les parents, les éducateurs et d'autres
intervenants qui jouent un rôle important dans la vie des enfants.
Luigi et Elaine travaillent en partenariat dans le
cadre du projet du Réseau portant sur la stimulation du langage et
l'intervention en milieu de garde.
leur partenariat…
Luigi
: Au début, nous
étions tous deux des cliniciens qui travaillaient ensemble dans le
cadre de programmes de formation des parents au centre Hanen. À
cette époque, je travaillais aussi à mon doctorat, qui portait sur
l'efficacité des programmes de formation pour les parents et ce,
pour les enfants et les parents. Après avoir obtenu mon diplôme,
j'ai quitté le programme du centre Hanen pour une carrière au sein
de l'université.
Elaine
: Nous avions
toujours dit que nous aimerions un jour travailler en partenariat.
Je savais que Luigi travaillerait toujours dans un contexte
universitaire, en enseignement et en recherche. Donc, lorsque je
suis devenue directrice exécutive du centre Hanen, nous étions tous
deux dans des situations idéales pour concrétiser nos plans. Luigi
pouvait faire la recherche et je disposais de l'environnement
clinique pour le faire.
un partenariat d'une
grande efficacité…
Luigi :
C'est magnifique de travailler avec Elaine parce qu'elle gère du
personnel et des ressources qu'elle peut mettre à ma disposition.
Elaine a apporté les changements requis par la science pour que les
chercheurs puissent avoir un contrôle rigoureux – elle a fourni les
ressources requises pour former des groupes de contrôle et elle a
assumé les coûts des séances d'enregistrement supplémentaires. Je
crois aussi que sa compréhension de la recherche a permis la
création d'un partenariat efficace car elle savait que ces
adaptations devaient absolument être faites. Je crois que cela était
important pour que notre collaboration fonctionne étant donné qu'en
tant qu'universitaire, les bourses que je recevais étaient limitées
et qu'elles permettent rarement le travail en clinique. Donc, la
combinaison entre les fonds que je recevais du gouvernement fédéral
et les ressources fournies par Elaine ont donné lieu à un mariage de
compétences très efficace.
Elaine :
Il y a aussi la chimie : nous aimons travailler ensemble. C'est
essentiel - les partenaires doivent avoir un objectif commun et
pouvoir travailler ensemble efficacement. Je crois que nous avons
établi un bon partage des rôles, ce qui a beaucoup aidé.
l'avenir de leur
collaboration de recherche…
Luigi
: Comme j'étais
d'abord un clinicien, mes recherches étaient avant tout des
recherches cliniques. Je voulais faire des recherches qui auraient
un impact sur les familles et les enfants, mais les recherches que
je faisais ne pouvaient absolument pas produire un tel impact.
À l'époque, j'ai
commencé à m'intéresser aux enfants qui faisaient tardivement
l'apprentissage du langage - ceux de deux ans qui ne parlaient
toujours pas. À cet âge, les parents commencent à s'inquiéter et
nous savons qu'une proportion de ces enfants finissent par avoir des
troubles persistants du langage. Que faisons-nous lorsque nous
identifions ces enfants de deux ans? Je voulais me concentrer sur ce
groupe parce que la documentation dans ce domaine traitait beaucoup
de ces enfants et que cela m'avait toujours intéressé. Lorsque
Elaine et moi avons parlé de faire des recherches, ce groupe
intéressait aussi Elaine. Nous nous sommes donc lancés conjointement
dans ce domaine de recherche. Avant de commencer, j'ai proposé
quelques changements au programme pour répondre aux besoins de ce
groupe d'enfants en particulier, et Elaine a tous mis ces
changements en œuvre avec l'aide de ses thérapeutes. Ce fut une
magnifique aventure de collaboration. Nous avons dû nous rencontrer
fréquemment pour définir les différentes étapes de la thérapie et
pour déterminer ce que nous devions faire lors de chaque étape.
la diffusion des
résultats de leurs recherches…
Elaine :
Grâce à la structure du centre Hanen, la diffusion des résultats des
recherches peut être effectuée beaucoup plus facilement. Il existe
de nombreux niveaux de connexion entre le centre Hanen et les gens
que nous formons. Lorsque nous parlons de nos recherches, tous
veulent savoir si le programme fonctionne. Nos instructeurs ont
accès à l'information, et lorsque les résultats des nouvelles
recherches sont établis, nous les partageons avec eux. Ils sont au
courant des recherches en cours et savent quels sont les résultats
obtenus à ce jour. Ensuite, de nombreux articles sont publiés sur
les recherches, et les gens ont accès à ces articles sur notre site
Web. Nous incluons tous les documents pour consultation dans notre
matériel de formation. Je crois que nous sommes l'un des premiers
organismes sans but lucratif dans ce domaine qui a un site Web. Nous
affichons les résultats des recherches sur notre site Web pour que
les gens puissent y avoir accès. Lorsque nos membres nous
transmettent des demandes de renseignements supplémentaires au sujet
des recherches, nous pouvons leur fournir cette information. Nous
sommes devenus une source d'information pour nos membres.
Nous utilisons aussi
des communiqués pour transmettre les résultats des recherches que
nous effectuons - ces communiqués sont un des principaux moyen de
communication avec nos membres. Je crois toutefois que notre site
Web prendra de plus en plus d'importance.
Dans notre domaine,
lorsque l'existence d'un programme est rendue publique, ce qui
importe pour les gens, c'est que le programme fonctionne. Aux
États-Unis surtout, si on ne peut pas démontrer qu'un programme
fonctionne, ce n'est pas la peine d'en parler. On ne veut pas savoir
si c'est un bon programme; on veut que le programme fonctionne.
et si la recherche
démontre qu'un changement doit être fait…
Elaine :
Cela s'est déjà produit et les résultats de la recherche ont changé
la façon dont les services cliniques sont offerts. Si nous devons
apporter un changement à notre méthodologie, nous en informons le
milieu. Par exemple, en 1994, lorsque Luigi et moi avons entrepris
nos recherches, les premiers résultats que nous avons obtenus
démontraient qu'un changement s'était produit en ce qui concerne les
habiletés de conversation sociale des parents et des enfants, mais
nous ne pouvions pas démontrer sans équivoque que le langage des
enfants s'était amélioré. Donc, Luigi a suggéré que nous apportions
certaines adaptations au programme pour que nous puissions mesurer
le changement. Nous avons alors pu constater que le programme
permettait de modifier le langage des enfants. Grâce aux
modifications apportées au programme, nous avons donc constater
qu'il existait des différences importantes entre les groupes
expérimentaux et les groupes de contrôle.
certaines de leurs
réussites…
Elaine : Je crois
que la recherche que nous avons effectuée dans les années 90 a avant
tout suscité l'intérêt des gens qui expérimentaient des problèmes
avec un certain groupe d'enfants. Cette recherche a apporté une aide
incroyable aux enfants qui faisaient tardivement l'apprentissage du
langage et qui avaient un retard d'expression marqué. Nous ne savons
pas vraiment quelles en sont les raisons, mais le programme a
entraîné le processus de développement du langage chez ces enfants.
L'article publié par
Luigi indiquait que ce sont les changements qui avaient été
constatés, mais que nous ne pouvions pas affirmer que les habiletés
de langage des enfants avaient changé. Il s'agissait d'un aspect
important que nous devions éclaircir. Ce fut donc le catalyseur du
programme de recherche subséquent.
Luigi :
Notre récompense, c'était que nous avions obtenu des résultats
significatifs et que ces résultats avaient produit un impact assez
important sur le nombre d'ateliers offerts par le centre Hanen dans
le cadre des programmes de traitement créés pour les familles et les
enfants.
Nous avons réussi
tout cela dans une période de cinq ou six ans, ce qui tient du
miracle puisque les recherches de la plupart des chercheurs ne sont
mises en pratique qu'après 10 ou 15 ans. Je crois qu'il faut
habituellement 10 ans avant que les résultats d'une recherche
entraînent des changements concrets. Pour nous, il n'a fallu que
cinq ans; c'est époustouflant.
la transférabilité
de leur concept de collaboration ailleurs au Canada…
Elaine :
Ce serait possible; je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas
possible. Mais, pour que cela fonctionne, il ne faut pas que la
bureaucratie des organismes en cause soit trop lourde. C'est la
beauté de ce que nous avons réalisé et de ce que nous continuons à
réaliser. Luigi m'a demandé si j'avais 5 000 $ et il m'a dit que
c'était tout ce dont il avait besoin. Je lui ai répondu que je
pouvais avoir cette somme. Nous n'avons pas eu à demander
l'approbation de plusieurs personnes puisque je relève directement
du Conseil d'administration. Je dispose d'un budget de recherche et
je peux prendre des décisions. Je ne vois pas pourquoi le principe
du partenariat entre chercheur / clinicien ne serait pas
transférable.
Luigi :
Toutefois, je crois que la recherche scientifique de base sera
toujours une nécessité, et une grande partie de cette recherche est
axée sur le microcosme. Ces idées sont très éloignées du monde
clinique. De plus, je crois que ce qui nous avantage et que la
raison pour laquelle notre collaboration est si efficace, c'est que
Elaine et moi étions tous deux intéressés à faire de la recherche
clinique, c'est-à-dire de la recherche qui étudie les interventions
et leurs effets sur les gens et les populations. C'est le genre de
recherche qui pourrait probablement s'adapter à ce paradigme mieux
que certaines recherches scientifiques de base. La recherche
scientifique de base demeure importante, mais elle ne permet pas
d'avoir un impact direct dans un délai de cinq ans sur ce qui ce
passe dans ce domaine. Je crois qu'il est important de faire cette
distinction parce que je sais qu'au sein du Réseau, il existe des
chercheurs qui concentrent leurs efforts sur les aspects reliés au
microcosme du développement auditif ou du développement humain par
exemple. Cette recherche peut ne pas avoir d'influence à court terme
sur la manière dont les interventions sont effectuées, mais elle est
nécessaire parce qu'elle permet des progrès à long terme dans le
domaine.
appui fourni par le
Réseau…
Luigi : En général,
je crois que la mise en pratique de la recherche peut être effectuée
par les chercheurs. Certains chercheurs obtiennent peut-être des
résultats scientifiques qui sont en fait transférables, mais ils
n'ont pas Elaine et son organisme pour promouvoir ces résultats. Ce
serait magnifique si les résultats de recherche obtenus par les
chercheurs du Réseau canadien de recherche sur le langage et
l'alphabétisation étaient d'abord traduits en anglais pour qu'ils
puissent ensuite être diffusés de manière approprié à tout ceux
qu'ils peuvent intéresser et à toux ceux qui peuvent profiter de ces
résultats.
Je crois que le
Réseau canadien de recherche sur le langage et l'alphabétisation a
un rôle bien précis à jouer, non seulement en faisant la promotion
de la recherche, mais aussi en établissant des bases plus générales
permettant de démontrer que la recherche effectuée par ce groupe
peut avoir un impact. La pièce manquante au puzzle est probablement
les ateliers. Mais Elaine nous offre un contact de personne à
personne, ce qui serait probablement difficile à mettre en place au
sein du Réseau. Lorsqu'une personne explique à un groupe de 30
autres personnes ce que sera la recherche et comment une
intervention en particulier se déroulera, le transfert effectué est
surprenant.
la mise en pratique
de la recherche dans les interventions auprès des enfants…
Luigi :
Bien, nous y travaillons. Par exemple, lorsqu'on travaille avec des
garderies, il est intéressant de constater que de la documentation
existe depuis 25 ans sur la manière dont les intervenants doivent
poser des questions. Toutefois, il faut former les intervenants à
poser des questions exigeant une réponse détaillée et à éliminer les
questions auxquelles on peut répondre par oui ou par non. Cette
documentation existe depuis 25 ans et lorsqu'on se rend dans les
garderies, on constate que les intervenants ne savent pas comment
poser les bonnes questions. Donc, cette documentation à propos de la
petite enfance n'a toujours pas été mise en pratique.
Nous avons connu un
si grand succès avec les orthophonistes que nous avons maintenant
commencé à explorer certaines façons de mettre notre recherche en
pratique pour que la vie de ces enfants et le travail des gardiens
et gardiennes d'enfants soient différents. Nous tiendrons d'abord un
symposium cet automne
http://www.cllrnet.ca/en/news/news_story.php?news_id=35
au cours duquel Elaine et moi-même tenterons d'obtenir une certaine
orientation future de la part des chercheurs principaux dans le
domaine de la garde d'enfants et du langage. Nous voudrions que ce
symposium soit suivi d'un atelier offert en décembre aux personnes
de la région de Toronto qui font de la consultation en milieu de
garde et auprès des éducateurs de la petite enfance, qui fournissent
de l'information aux éducateurs de la petite enfance et qui
supervisent ces éducateurs. Nous avons commencé à identifier les
personnes auxquelles nous présenterons la recherche reliée au
langage en milieu de garde et à déterminer comment ces personnes
pourront mettre les résultats de la recherche en pratique. Nos
efforts seront d'abord axés sur les conseillers puisqu'ils sont
responsables de la formation initiale et de la formation continue.
C'est l'approche que nous avons définie.
Elaine
: Nous voulons que
les gens comprennent pourquoi la formation est si importante et
pourquoi la documentation sur le langage et l'alphabétisation
contient de l'information que les gens doivent absolument connaître.
Nous nous préoccupons du manque de connaissance que manifestent les
gens qui travaillent avec les enfants la journée durant et de la
formation insuffisante qui leur est offerte.
d'autres sujets
d'intérêt…
Luigi :
Nous avons tous deux un chien. Nous aimons le sushi – en fait, nous
l'adorons.
Elaine :
Mon travail et ma vie de famille avec trois enfants me tiennent très
occupée; j'ai dû abandonner plusieurs de mes loisirs, mais les
voyages occupent une place importante dans ma vie et je pratique
quelques sports.
Luigi :
Mon passe-temps, c'est la recherche. J'avais l'habitude de
travailler le bois, mais je n'ai pas utilisé mon atelier depuis des
années, c'est incroyable. |